Déchets toxiques à Abidjan : Greenpeace fait le point
Abidjan, Cote d'ivoire — Quelle est la nature des déchets déversés en plein air sur onze sites différents d’Abidjan en Côte d’Ivoire? Quel impact sur la santé et sur l’environnement? A qui la faute?
Devant la complexité des questions soulevées par la catastrophe écologique et sanitaire dont est victime la capitale économique de la Côte d’Ivoire, quelques précisions s’imposent, en attendant les communications officielles des experts qui sont sur le terrain : une mission de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une autre envoyée par les Nations unies (l’Undac), la mission française conjointe du BRGM (Bureau de recherche géologique et minière) et du Cogic (Comité de gestion interministérielle des crises).
1/ Concernant la composition chimique de ces déchets, on estime qu’il s’agit d’une boue riche en hydrocarbures, contaminée par au moins trois éléments : de l’hydrogène sulfuré (très toxique par inhalation), des mercaptans (composés soufrés) et de la soude caustique. Sur le plan sanitaire, l’hydrogène sulfuré peut provoquer des irritations des muqueuses et voies respiratoires jusqu’à la mort par empoisonnement du sang, en passant par des nausées ou des vertiges. Ces produits présentent aussi une nocivité très forte pour l’environnement, qui peut s’avérer catastrophique s’ils devaient atteindre les nappes phréatiques ou le milieu marin. Certains experts mentionnent également la présence d’organochlorés, ce qui rendrait cette pollution encore plus grave (ces polluants persistent dans l’environnement et pénètrent la chaîne alimentaire).
2/ Du côté des responsabilités locales, il appartient au gouvernement ivoirien de les établir, sous la supervision de l’Onuci, la mission de paix des Nations-Unies en Côte d’Ivoire, afin de garantir une justice complète et équitable dans la situation politique actuelle. Il est évident que rien n’a pu arriver sans l’implication de plusieurs acteurs ivoiriens, publics et privés. En première ligne, le Port autonome d’Abidjan, qui n’a pu agir sans des complices au sein des ministères de tutelle (Industrie, Environnement et/ou Transports). Suivent les prestataires de services tels la société Tommy qui a effectué le pompage des déchets depuis le bateau et le déversement des toxiques dans onze sites de la ville, la société WAIBS, agent du Probo Koala, ou encore l’intermédiaire local Puma Energy, par ailleurs, filiale de l’affréteur Trafigura.
3/ Mais Greenpeace veut surtout comprendre la chaîne de responsabilités premières qui a permis aux déchets toxiques de parvenir jusqu’à Abidjan. Deux scénarios sont possibles, qui déterminent la qualification des déchets et donc le cadre juridique international qui s’applique.
Première hypothèse : à en croire la société Trafigura, trader international et affréteur du Probo Koala, les déchets seraient des « slops », c’est-à-dire des eaux de lavage, générées par le nettoyage des cuves du bateau transportant régulièrement des produits pétroliers. Selon Trafigura, ce nettoyage s’effectuerait, en routine, avec de la soude caustique. N’ayant pu être délivrés à Amsterdam comme prévu mais plus d’un mois plus tard à Abidjan, les déchets auraient fermenté durant le trajet, devenant de plus en plus toxiques. Selon ce scénario, ces déchets devraient être considérés comme le résultat d’activités maritimes et à ce titre régis par la convention Marpol émise par l’Organisation maritime internationale (OMI). L’affréteur Trafigura serait alors exonéré de toutes responsabilités (au sens de Marpol). Celles-ci incomberaient à deux pays : le pays de pavillon, Panama (autant dire nulle part) et le pays du port d’accueil, la Côte d’Ivoire. Plusieurs éléments peuvent mettre en doute ce scénario. La forte teneur en hydrogène sulfuré peut-elle résulter de la seule évolution du déchet au cours du voyage ? De simples eaux usées, même très polluées, peuvent-elles présenter une teneur en carbone organique proche de 21g/l et une masse volumique plus proche de l’essence pure que de l’eau de lavage polluée ? (source Ciapol)
Deuxième possibilité : au lieu d’être le fruit de la seule activité du navire, les déchets toxiques proviendraient d’industries de raffinage de pétrole ou de gaz installées à terre. Ces industries utilisent de la soude caustique soit lors de la désulfuration de ces hydrocarbures, soit lors d’opérations de nettoyage de leurs cuves de stockage. Ces déchets toxiques produits à terre relèveraient de la convention de Bâle, qui émane du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) et interdit les transferts de déchets des pays de l’OCDE vers les pays non membres de l’OCDE. Dans ce cas, les responsabilités reviendraient à l’affréteur Trafigura ainsi qu’au pays du dernier port d’accueil de ces déchets. Là, difficile à ce stade de déterminer avec certitude s’il s’agit des Pays-Bas, de l’Espagne ou de l’Estonie.
Quelque soit le scénario, Greenpeace considère que l’entreprise Trafigura porte une responsabilité morale écrasante dans cette catastrophe. Dans un cas, elle a cherché à se faufiler dans les vides juridiques, les zones de non-droit et l’opacité des réglementations maritimes. Dans l’autre, Trafigura s’est mise en infraction flagrante avec le droit international.
4/ Le trajet du Probo Koala. Une certitude : le 2 juillet, le Probo Koala quitte le port d’Amsterdam avec à son bord des produits « similaires » à ceux déversés sur Abidjan. Selon Trafigura, cette escale avait pour but la vidange de ces fameux « slops ». Après les avoir effectivement déchargés à Amsterdam, Trafigura a choisi de rembarquer ses déchets, au vu des conditions (a priori financières) proposées par la société néerlandaise de gestion des déchets. Toujours selon l’affréteur Trafigura, les autorités des Pays-Bas auraient contrôlé la conformité de ce ré-embarquement et, après certaines garanties, accepté le départ du navire.
Entre le 2 juillet et le 19 août, quelle fut la route du Probo Koala ? Pour certains, il s’est arrêté en Espagne au port d’Algeciras. Pour d’autres, il a navigué le long des côtes africaines à la recherche d’un port d’accueil. Le Sénégal aurait été sollicité ainsi que le Nigeria. Enfin, après avoir déversé ses déchets et malgré un début d’enquête, le bateau a été autorisé par le Port autonome d’Abidjan à appareiller en direction de l’Estonie.
Abidjan, Cote d'ivoire — Quelle est la nature des déchets déversés en plein air sur onze sites différents d’Abidjan en Côte d’Ivoire? Quel impact sur la santé et sur l’environnement? A qui la faute?
Devant la complexité des questions soulevées par la catastrophe écologique et sanitaire dont est victime la capitale économique de la Côte d’Ivoire, quelques précisions s’imposent, en attendant les communications officielles des experts qui sont sur le terrain : une mission de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une autre envoyée par les Nations unies (l’Undac), la mission française conjointe du BRGM (Bureau de recherche géologique et minière) et du Cogic (Comité de gestion interministérielle des crises).
1/ Concernant la composition chimique de ces déchets, on estime qu’il s’agit d’une boue riche en hydrocarbures, contaminée par au moins trois éléments : de l’hydrogène sulfuré (très toxique par inhalation), des mercaptans (composés soufrés) et de la soude caustique. Sur le plan sanitaire, l’hydrogène sulfuré peut provoquer des irritations des muqueuses et voies respiratoires jusqu’à la mort par empoisonnement du sang, en passant par des nausées ou des vertiges. Ces produits présentent aussi une nocivité très forte pour l’environnement, qui peut s’avérer catastrophique s’ils devaient atteindre les nappes phréatiques ou le milieu marin. Certains experts mentionnent également la présence d’organochlorés, ce qui rendrait cette pollution encore plus grave (ces polluants persistent dans l’environnement et pénètrent la chaîne alimentaire).
2/ Du côté des responsabilités locales, il appartient au gouvernement ivoirien de les établir, sous la supervision de l’Onuci, la mission de paix des Nations-Unies en Côte d’Ivoire, afin de garantir une justice complète et équitable dans la situation politique actuelle. Il est évident que rien n’a pu arriver sans l’implication de plusieurs acteurs ivoiriens, publics et privés. En première ligne, le Port autonome d’Abidjan, qui n’a pu agir sans des complices au sein des ministères de tutelle (Industrie, Environnement et/ou Transports). Suivent les prestataires de services tels la société Tommy qui a effectué le pompage des déchets depuis le bateau et le déversement des toxiques dans onze sites de la ville, la société WAIBS, agent du Probo Koala, ou encore l’intermédiaire local Puma Energy, par ailleurs, filiale de l’affréteur Trafigura.
3/ Mais Greenpeace veut surtout comprendre la chaîne de responsabilités premières qui a permis aux déchets toxiques de parvenir jusqu’à Abidjan. Deux scénarios sont possibles, qui déterminent la qualification des déchets et donc le cadre juridique international qui s’applique.
Première hypothèse : à en croire la société Trafigura, trader international et affréteur du Probo Koala, les déchets seraient des « slops », c’est-à-dire des eaux de lavage, générées par le nettoyage des cuves du bateau transportant régulièrement des produits pétroliers. Selon Trafigura, ce nettoyage s’effectuerait, en routine, avec de la soude caustique. N’ayant pu être délivrés à Amsterdam comme prévu mais plus d’un mois plus tard à Abidjan, les déchets auraient fermenté durant le trajet, devenant de plus en plus toxiques. Selon ce scénario, ces déchets devraient être considérés comme le résultat d’activités maritimes et à ce titre régis par la convention Marpol émise par l’Organisation maritime internationale (OMI). L’affréteur Trafigura serait alors exonéré de toutes responsabilités (au sens de Marpol). Celles-ci incomberaient à deux pays : le pays de pavillon, Panama (autant dire nulle part) et le pays du port d’accueil, la Côte d’Ivoire. Plusieurs éléments peuvent mettre en doute ce scénario. La forte teneur en hydrogène sulfuré peut-elle résulter de la seule évolution du déchet au cours du voyage ? De simples eaux usées, même très polluées, peuvent-elles présenter une teneur en carbone organique proche de 21g/l et une masse volumique plus proche de l’essence pure que de l’eau de lavage polluée ? (source Ciapol)
Deuxième possibilité : au lieu d’être le fruit de la seule activité du navire, les déchets toxiques proviendraient d’industries de raffinage de pétrole ou de gaz installées à terre. Ces industries utilisent de la soude caustique soit lors de la désulfuration de ces hydrocarbures, soit lors d’opérations de nettoyage de leurs cuves de stockage. Ces déchets toxiques produits à terre relèveraient de la convention de Bâle, qui émane du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) et interdit les transferts de déchets des pays de l’OCDE vers les pays non membres de l’OCDE. Dans ce cas, les responsabilités reviendraient à l’affréteur Trafigura ainsi qu’au pays du dernier port d’accueil de ces déchets. Là, difficile à ce stade de déterminer avec certitude s’il s’agit des Pays-Bas, de l’Espagne ou de l’Estonie.
Quelque soit le scénario, Greenpeace considère que l’entreprise Trafigura porte une responsabilité morale écrasante dans cette catastrophe. Dans un cas, elle a cherché à se faufiler dans les vides juridiques, les zones de non-droit et l’opacité des réglementations maritimes. Dans l’autre, Trafigura s’est mise en infraction flagrante avec le droit international.
4/ Le trajet du Probo Koala. Une certitude : le 2 juillet, le Probo Koala quitte le port d’Amsterdam avec à son bord des produits « similaires » à ceux déversés sur Abidjan. Selon Trafigura, cette escale avait pour but la vidange de ces fameux « slops ». Après les avoir effectivement déchargés à Amsterdam, Trafigura a choisi de rembarquer ses déchets, au vu des conditions (a priori financières) proposées par la société néerlandaise de gestion des déchets. Toujours selon l’affréteur Trafigura, les autorités des Pays-Bas auraient contrôlé la conformité de ce ré-embarquement et, après certaines garanties, accepté le départ du navire.
Entre le 2 juillet et le 19 août, quelle fut la route du Probo Koala ? Pour certains, il s’est arrêté en Espagne au port d’Algeciras. Pour d’autres, il a navigué le long des côtes africaines à la recherche d’un port d’accueil. Le Sénégal aurait été sollicité ainsi que le Nigeria. Enfin, après avoir déversé ses déchets et malgré un début d’enquête, le bateau a été autorisé par le Port autonome d’Abidjan à appareiller en direction de l’Estonie.
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